Les États-Unis et la Russie se partagent à nouveau l’Europe

Le 24 février 2022 a marqué le début de la mise en place d’un monde bipolaire entre les États-Unis et la Russie. Finalement!


Un ordre mondial bipolaire est en train d’émerger. (Google Maps/DWN/Cüneyt Yilmaz)



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Les mots du titre doivent être compris comme écrits. Dans mes analyses avant de commencer à travailler comme éditeur (depuis 2007), j’ai constamment soutenu que le monde entier ne peut former un équilibre stable que si les deux grands acteurs expérimentés de l’histoire mondiale se ressaisissent pour assumer à nouveau leurs responsabilités. Cela a pris beaucoup de temps, mais apparemment ce que j’avais espéré se produit maintenant.

Les États-Unis et la Russie sont enfin de retour sur l’échiquier mondial dans une relation dialectique – avec leurs armes nucléaires cruciales pour établir un équilibre bipolaire. Dans un énorme bang, Moscou, avec l’aval de Washington, a initié la création d’un ordre mondial qui avait fait ses preuves sous une forme similaire de 1947 à 1989.

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Dès le 19 septembre 2020, je déclarais dans un article intitulé « La lutte finale entre nationalistes et mondialistes entre dans un cycle décisif » : « Il existe de nombreuses preuves que, comme pendant la guerre froide, le monde se dirige vers un équilibre bipolaire entre les États-Unis et se dirigeait vers la Russie. Au moins ce concept avait fonctionné dans le passé et pourrait être utilisé à nouveau sous une forme modifiée (…) L’UE reconnaîtra que la liberté et la démocratie ne sont pas les seuls piliers sur lesquels les États peuvent être construits. Les États d’Europe continentale n’augmenteront pas seulement leurs dépenses d’armement. Il y aura aussi très probablement une militarisation de la politique et de la rhétorique politique.

Le fait que même le président ukrainien Vladimir Zelensky ait récemment évoqué un « mur traversant l’Europe » depuis l’invasion de l’Ukraine confirme les prévisions de 2020. Mais même à Moscou, on parle désormais en langage clair. La Russie et les États-Unis devraient revenir aux principes de coexistence pacifique pendant la guerre froide, selon le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Cela a été rapporté par l’agence de presse russe « Interfax » au début du mois de mars 2022. Le 8 février 2022, même le « Wall Street Journal » titrait : « Joe Biden, un président pour la nouvelle guerre froide !Tout cela est une très bonne nouvelle qui contribuera à recréer enfin des structures claires dans le monde depuis la fin de la guerre froide.

Les critiques sont susceptibles de résister à l’émergence de ce nouvel (ancien) ordre mondial parce qu’ils ont en fait prévu que l’UE et la Chine seraient les fondateurs d’un nouvel ordre. Mais cette idée était mort-née dès le départ.

L’UE, elle aussi, était condamnée dès le départ – pour deux raisons. Premièrement, admettre la Grande-Bretagne dans l’UE était une énorme erreur. En ne rejoignant pas l’union monétaire, Londres avait toujours gardé la possibilité de quitter l’UE à un moment donné. Et avec le Brexit, la Grande-Bretagne a également amorcé la désintégration de l’UE dans sa forme actuelle. Les Européens continentaux n’ont jamais compris que la Grande-Bretagne n’est pas un pays européen. Les Britanniques se considèrent comme de simples Britanniques et héritiers d’un grand empire mondial, et non comme des Européens continentaux.

Le seul homme d’État en Europe qui l’ait compris, c’est Charles de Gaulle. Le colonel Motors, comme on l’appelait, a opposé son veto à l’admission de la Grande-Bretagne à ce qui était alors la CEE en 1963. Il a fait valoir que la Grande-Bretagne voulait « imposer ses propres conditions » aux six pays du bloc. Le caractère « insulaire » de l’État insulaire d’outre-Manche a créé une « structure » économique qui diffère « fondamentalement » de « celle des Européens continentaux ». Si les Européens continentaux avaient écouté de Gaulle, la disparition de l’UE en 2020 n’aurait pas commencé.

La deuxième erreur résidait dans le fait que la Turquie ne pouvait pas et ne voulait pas agir en tant que membre fondateur de la CEE. La CEE a été fondée en 1957. A cette époque, le Parti démocrate (PD) dirigeait la Turquie sous le Premier ministre Adnan Menderes. Son orientation de politique étrangère penchait vers les États-Unis. Il n’était pas partisan de l’intégration européenne de la Turquie, mais souhaitait forger une alliance entre les États-Unis et la Turquie. Il était réservé envers l’Europe continentale et la Grande-Bretagne.

Si la Turquie avait effectivement été l’un des membres fondateurs de la CEE, il aurait été possible de réécrire l’histoire européenne. Parce que la combinaison d’une puissance économique émergente (l’Allemagne), d’une puissance nucléaire émergente (la France) et d’une puissance militaire conventionnelle émergente (la Turquie) ayant accès aux régions énergétiques les plus importantes du monde pourrait tôt ou tard mettre les États-Unis et l’Union soviétique dans leur place, car dans le cadre de cette combinaison, il aurait également été possible de constituer à un moment donné une armée européenne (mot clé : PESCO). Mais dans les décennies qui suivirent, les relations entre l’Europe continentale et la Turquie ne devaient jamais être sous une bonne étoile.

De plus, les décideurs politiques d’Ankara n’avaient aucun intérêt à se soumettre aux lois et règlements des bureaucrates bruxellois, c’est pourquoi les différents gouvernements d’Ankara se sont tournés vers les États-Unis en matière de politique étrangère. La politique étrangère turque se caractérise actuellement par un exercice d’équilibre entre les États-Unis et la Russie, ce qui sera également le cas à l’avenir. Entre ces deux puissances, la Turquie est susceptible d’agir comme la « charnière » de l’ordre bipolaire.

Conclusion : Le 24 février 2022, les dés étaient enfin jetés. Je choisis les États-Unis et la Russie comme les gagnants mondiaux. Les perdants mondiaux sont les grandes économies dépendantes de l’énergie que sont la Chine et l’UE.

Dans le contexte du nouvel ordre bipolaire entre Washington et Moscou, chaque camp est susceptible d’avoir sa part d’« alliés ». Les pays concernés ne pourront pas décider eux-mêmes quel pays européen appartient à quel camp.

Cette décision appartient aux deux « grands » – tout comme en février 1945 à Yalta.

(Addendum : Si vous le souhaitez, vous pouvez bien sûr continuer à accuser le président américain Biden de sénilité et le président russe Poutine de troubles mentaux. Chacun ne voit que ce qu’il veut voir !)

Campion Roussel

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