Signes de vie. L’Europe porte un coup, ou du moins Emmanuel Macron, sur le jeu complexe du Moyen-Orient. Le président français garantit que la France restera en Irak même sans les Etats-Unis. Oui, car alors que tout le monde parle de l’Afghanistan, un autre retrait américain, celui de Bagdad, est sur le point de s’achever. Pays envahi en 2003, avec l’épilogue du régime de Saddam Hussein. Un épilogue qui n’a certes pas conduit à ce que les Américains avaient promis, à savoir la démocratie, mais à un chaos dont l’Irak ne semble échapper que maintenant.
AFGHANISTAN, BLINKEN DIT QUE « JUSQU’À CE JOUR », LA MENACE TERRORISTIQUE NE S’EST PAS PROLONGÉE À L’EXTÉRIEUR
Mais la crainte que le terrorisme et en particulier les organisations djihadistes enracinées telles que l’État islamique ne reviennent occuper des portions de territoire est élevée. Les propos d’Antony Blinken ne sont pas particulièrement rassurants : « La menace terroriste en Afghanistan ne s’est jusqu’à présent pas transformée en risque extérieur ». Que « pour l’instant » ne laisse pas du tout la paix, aussi parce que Blinken a déjà joué une part de crédibilité ces dernières semaines avec les larges assurances sur la force de l’armée régulière afghane, puis fondue comme neige au soleil face aux avance des talibans.
« ISIS-K se concentre sur l’Afghanistan lui-même », a assuré le chef de la diplomatie américaine, « et si nous voyons une menace extérieure nous prendrons des mesures. Tout d’abord, nous serons extrêmement vigilants sur toute urgence ou réapparition d’une menace directe de l’Afghanistan aux États-Unis ou à l’un de nos alliés et partenaires ; et nous veillerons à avoir la capacité d’y faire face », a déclaré Blinken. La « réponse » est venue de l’Etat islamique, qui a revendiqué l’attaque à la roquette lundi matin à l’aéroport de Kaboul. La revendication a été publiée sur la chaîne Nasher News Telegram, liée au groupe terroriste. L’épisode est celui de cinq missiles lancés depuis un véhicule près du quartier de Khai Khana à Kaboul. Cinq étaient en route vers l’aéroport et ont été interceptés par l’armée américaine, tandis que le sixième a heurté une maison.
ISIS SE DÉVELOPPE EN AFGHANISTAN ET RECHERCHE DE L’ESPACE AUSSI EN IRAK
Quelques heures après l’achèvement du retrait américain d’Afghanistan, la forte crainte est que la menace terroriste puisse de toute façon s’élargir. Il y a déjà des défections parmi les talibans, avec le mollah Mansur Hesar qui aurait abandonné le régime pour rejoindre ISIS-K. Mais selon divers observateurs, le risque « d’infection » est aussi grand pour l’Irak voisin, où justement l’espace laissé par les Américains et le ressentiment créé par les événements de la décennie précédente avaient créé le terreau fertile pour la naissance du califat. Maintenant, il pourrait être ressuscité.
Et sur le front démocratique, il y a des turbulences. Notamment de la France, qui critique implicitement le retrait américain de Bagdad. « Nous garderons nos militaires en Irak tant que les terroristes seront présents dans le pays. Et si les États-Unis décident de se retirer complètement, à ce moment-là, nous pourrons toujours garder nos troupes aux côtés de celles des Irakiens », a déclaré Macron en liaison. de la capitale irakienne où il s’est rendu pour un sommet régional. Signal fort. Alors que Washington quitte la zone, Paris réaffirme sa présence.
MACRON : « NOUS RESTONS EN IRAK MÊME SANS LES USA »
Macron a profité de la situation pour relancer sa vision de l’autonomie stratégique. Et cette fois il l’a relancé avec des faits : « Nous ne sommes pas dépendants de la décision des Etats-Unis au cas où ils décideraient un retrait complet du pays », a-t-il expliqué. Pas seulement. Macron a également donné quelques coups sur la ligne d’exportation de la démocratie menée depuis longtemps par les États-Unis. « Une chose est sûre. On ne peut pas imposer la démocratie, un gouvernement de l’extérieur. C’est ce que nous enseignent la situation en Irak, en Libye, en Afghanistan. Quand on intervient il faut toujours le faire aux côtés d’un Etat souverain. Il ne faut jamais penser. que c’est par la force des armes que la démocratie peut se créer. Ce n’est pas vrai », a déclaré le président français.
UNE AUTOMOMIE STRATÉGIQUE EUROPÉENNE
L’intention de Macron est claire : imposer réellement sa vision de l’autonomie stratégique européenne, sans surprise à la veille du départ à la retraite d’Angela Merkel, l’alliée-rivale pragmatique du président français. Sans elle, et peut-être avec une chancelière du SPD, il pourrait aussi devenir plus facile de revenir à la vieille obsession dearmée européenne unique. Le SPD allemand est en effet favorable à l’hypothèse alors que la CDU de la chancelière a toujours été sceptique. Pendant ce temps, Mario Draghi continue aussi de pousser le G20 en incluant la Russie, la Chine et l’Inde dans les discussions sur la crise afghane. L’Europe essaie de se libérer au moins partiellement des contraintes extérieures et essaie de se doter d’une vision autonome. Ce ne sera pas facile, mais l’essayer serait un must.