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Des médias indépendants, capables de fonctionner librement, sont une nécessité.
Les journalistes et les médias jouent un rôle crucial en temps de crise. Des informations fiables et précises sont d’une importance vitale pour la population touchée. Lors d’un tremblement de terre majeur, comme celui du 8 septembre au Maroc, la vie des personnes touchées est bouleversée. Certains ont tout perdu. Il y a de l’incertitude, de la confusion, de la panique.
Il faut des sauveteurs capables de prodiguer les premiers soins. Les survivants qui passent la nuit dans la rue ont besoin de nourriture, de médicaments et de couvertures. Mais il est également nécessaire de le contrecarrer fausses nouvelles et des rumeurs. Des informations claires constituent l’antidote essentiel à l’incertitude tenace, aux premières réponses aux nombreuses questions qui se posent inévitablement en cas de catastrophe. Et après les premières questions viennent celles sur l’assistance et la réponse des autorités. Les conséquences du tremblement de terre auraient-elles pu être moins désastreuses si les mesures avaient été prises différemment ? Y avait-il un plan d’urgence en place ? Comment se déroulera la reconstruction à l’avenir ?
Lorsqu’un tremblement de terre a frappé le centre du Maroc vendredi 8 septembre au soir, il est immédiatement apparu qu’il s’agissait d’une catastrophe de grande ampleur. De nombreuses vies étaient à craindre.
Des messages de consternation, de compassion et de solidarité sont venus du monde entier. Le Premier ministre Rutte a déclaré que «ses pensées allaient aux victimes et à leurs proches». Il a également déclaré qu’une équipe de sauveteurs néerlandais était prête à apporter son aide, comme cela s’était produit lors du tremblement de terre en Turquie en février. Macron, Biden et d’autres dirigeants gouvernementaux ont exprimé des réponses similaires.
En revanche, la situation est restée calme à Rabat et en France, où le roi Mohammed VI se trouvait dans l’une de ses bastides de la capitale au moment de la catastrophe. Le roi possède un hôtel particulier chic au cœur de Paris et possède un château à Betz, dans le nord de la France.
Le roi ne s’est fait entendre que 18 heures après que la nouvelle du tremblement de terre ait été connue. Ou plutôt, il s’est présenté à Rabat lors d’une réunion avec son gouvernement, des généraux et d’autres hauts fonctionnaires. La télévision diffuse des images silencieuses de la réunion présidée par le roi. Un communiqué a été lu d’une voix solennelle dans lequel : sa Majesté a annoncé avoir donné « ses très hautes instructions » « en vue de la poursuite rapide des secours sur place ».
Sans un signal du roi tout-puissant, rien ne se passe au Maroc et c’est un péché mortel pour le premier ministre, les membres du cabinet ou autres dignitaires de se rendre sur la zone sinistrée avant que le monarque ne s’y soit montré.
Cela s’est produit quatre jours plus tard, lorsque le roi s’est rendu à l’hôpital universitaire de Marrakech. Il s’agissait d’une visite d’à peine deux heures, durant laquelle l’espace aérien au-dessus de Marrakech a été fermé et les routes autour de l’hôpital ont été temporairement rénovées. Ce sont des détails embarrassants – en pleine catastrophe et sachant que tous les corps n’ont pas été retrouvés – qui ont été rapportés par divers médias internationaux.
Les médias marocains, en revanche, ont fait l’éloge du monarque qui avait même donné son sang à Marrakech. Un râleur qui se plaint que le roi lui-même n’est pas en très bonne santé et prend divers médicaments. Le roi a embrassé le front d’un garçon blessé et a été accueilli par des applaudissements soutenus de la part du personnel hospitalier. « Les Marocains et leur roi : cette unité particulière que la France ne comprend pas », titre le site d’information non officiel. Le360.
Le manque de compréhension du monde extérieur concernant le style de gouvernement autocratique du pays, le rôle du roi extrêmement riche qui a tendance à passer une grande partie de son temps hors de son royaume et l’acceptation limitée de l’aide étrangère, se heurte à irritation au Maroc. et la colère. Du moins au Maroc « officiel », qui entretient des liens avec le régime.
Par exemple, le syndicat officiel des journalistes marocains SNMP a accusé cette semaine Al Jazeera et les médias français « mensonges » et « désinformation ». Le tout aussi officiel Conseil national des médias (CNP)) accusé « certains médias étrangers » sont nostalgiques du passé colonial et donnent une image déformée des opérations de sauvetage.
La France et les médias français en particulier doivent en payer le prix. On ne peut pas cliquer sur un site d’information marocain ou ouvrir un journal sans que la vieille mère patrie coloniale ne soit punie. Les reportages français ont été qualifiés de myopes, de mal informés et d’insultants. Une caricature peu flatteuse, parue dans le journal français Libération, montrant le roi dans son palais de France affirmant qu’il « personnellement n’a pas ressenti de tremblement de terre », aurait collectivement fait fausse route.
Les réactions presque hystériques aux reportages critiques des médias français, qui ont bien sûr également été déclenchées par des questions sur le refus des Marocains d’accepter les secouristes français, en disent plus sur la crise politique entre la France et le Maroc que sur l’état des Français (et journalisme international).
L’hystérie s’est intensifiée lorsque le président français Macron a fait une déclaration personnelle sur Twitter le 12 septembre. course adressé au peuple marocain. Dans son message, il a réitéré ses sincères condoléances, mais a également déclaré très clairement qu’il appartenait au roi et à son gouvernement d’organiser l’aide internationale à leur discrétion souveraine.
Le discours de Macron sur Twitter, destiné à apaiser les tensions, a mis de l’huile sur le feu. Dans le journal l’Opinion, on l’a qualifié de commentaire indigné: Macron : Le Maroc est plus grand que vous ! Comment Macron a-t-il osé faire cela alors que le peuple marocain était solidaire pour faire face aux conséquences du tremblement de terre ? Le site Maroc World News a publié un article cinglant intitulé : Seul le roi peut s’adresser à son peuple : les Marocains remettent Macron à sa place. Dans l’article, Macron est qualifié de stupide et d’impulsif. Un autre journal l’a comparé à un enfant gâté.
Attention : la vague de critiques contre les médias internationaux et la France en particulier vient de médias contrôlés directement ou indirectement par les autorités marocaines. Les mêmes médias n’ont jusqu’à présent pas dit un mot sur les lacunes des secours, sur le fait qu’il y a encore des morts sous les décombres et que les villages n’ont pas été atteints. Selon la presse marocaine, les opérations de sauvetage se sont toutes déroulées avec la même efficacité, bien coordonnées et sous les sages instructions de Sa Majesté.
Si l’on veut vraiment savoir ce qui se passe, il faut s’appuyer sur plusieurs chaînes d’information internationales. Des bribes d’informations peuvent également être trouvées sur les réseaux sociaux, notamment auprès des Marocains de l’étranger qui transmettent les nouvelles de leurs familles et amis.
Le tremblement de terre du Haouz a eu pour effet secondaire de détourner soudainement l’attention du monde vers le Maroc. En outre, le manque de liberté d’expression et le système monarchique archaïque ont été impitoyablement mis en avant.
On savait auparavant que le Maroc avait de piètres résultats dans le domaine de la liberté de la presse. En 2022, le pays se classait 144ème au classement de Reporters sans frontières (RSF). Certains des journalistes les plus compétents et les plus critiques du Maroc purgent des années de prison à l’issue de procès inéquitables.
Le manque d’ouverture se venge dans des situations désastreuses comme un tremblement de terre meurtrier. La liberté de la presse n’est pas un luxe ou un concept purement occidental, encore moins une perversité coloniale. Des médias indépendants, capables de fonctionner librement, sont une nécessité.