28 octobre 2021 11h39
La dénonciation des Nations Unies c’est alarmant: Des millions d’Afghans, dont des milliers d’enfants, risquent de mourir de faim si des mesures urgentes ne sont pas prises pour aider le pays. C’est ce qu’a déclaré le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM) David Beasley le 25 octobre, quelques jours plus tard depuis le début du G20, le sommet des chefs d’État et de gouvernement qui se tiendra à Rome les 30 et 31 octobre et qui, parmi de nombreux sujets, devra également traiter de la question et des conséquences pour les migrations mondiales. La situation dans le pays a déjà été discutée lors du G20 extraordinaire du 12 octobre, qui a toujours eu lieu sous la présidence italienne.
Selon Beasley, 22,8 millions de personnes, soit plus de la moitié des 39 millions d’habitants de l’Afghanistan, sont confrontées à une situation dramatique en termes d’accès à la nourriture et risquent de mourir de faim. L’agence des Nations Unies a déclaré avoir besoin de 220 millions de dollars par mois pour répondre aux besoins alimentaires de 23 millions de personnes, rendues encore plus vulnérables par l’arrivée de l’hiver. La situation alimentaire et humanitaire en Afghanistan était critique avant même que les talibans ne prennent le pouvoir en août 2021. Mais l’arrivée des islamistes au pouvoir a aggravé les choses car les donateurs ont cessé d’envoyer des fonds à un gouvernement qui n’est pas reconnu par la communauté internationale, dans un pays dépendant de l’aide étrangère.
Cette situation humanitaire aura des répercussions inévitables sur les flux migratoires, mais pour le moment il n’y a pas de stratégie commune pour y faire face. Selon les estimations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 500 000 Afghans ont dû quitter leur foyer en 2021. Cependant, l’Europe est divisée sur la stratégie d’accueil à adopter. En effet, pour les gouvernements de l’Union européenne, la priorité semble être d’éviter qu’une nouvelle crise migratoire ne se produise, comme celle survenue en 2015 suite à la guerre en Syrie.
Pour le moment, l’Europe n’est pas le continent qui accueille le plus grand nombre de réfugiés afghans
Les fantômes du passé semblent peser plus que la clairvoyance et pour l’instant la seule orientation commune est la stratégie habituelle d’externalisation : envoyer des fonds vers des pays non européens pour arrêter la circulation des personnes. La vice-présidente de la Commission européenne Margaritis Schinas, qui a coordonné les travaux sur le nouveau Pacte pour les migrations et l’asile, s’adressant à des journalistes à Bruxelles le 29 septembre a révélé un nouveau plan de l’Union de lancer une « plate-forme de coopération politique régionale avec les pays voisins de l’Afghanistan ». En pratique, il s’agirait de passer des accords avec l’Iran et le Pakistan pour s’occuper de l’accueil des réfugiés afghans et de l’arrêt de leur voyage vers l’ouest.
Pour le moment, l’Europe n’est pas le continent qui accueille le plus grand nombre de réfugiés afghans : selon les Nations Unies, sur les quelque 2,6 millions de réfugiés afghans dans le monde, 1,4 million se trouvent au Pakistan et 780 000 en Iran. En Europe, les Afghans constituent le deuxième groupe de réfugiés, mais sont soumis à des politiques d’accueil et d’asile très hétérogènes, qui diffèrent d’un pays à l’autre. La Grèce est le pays où le plus de demandes d’asile d’Afghans ont été acceptées en 2020. D’après les données traitées par Openpolis, on parle de plus de dix mille personnes, soit plus du double de ce que l’Allemagne et la France ont accueilli (respectivement 4 585 et 4 765 personnes).
Parmi les pays accueillant un nombre considérable de réfugiés, l’Espagne est celui qui a accordé l’asile au moins d’Afghans : seuls 95 des 51 000 demandeurs présents dans le pays bénéficiant d’une protection en 2020 étaient de nationalité afghane. Quant à l’Italie, en 2020, il y a eu 1 060 résultats positifs, un quart par rapport à la France et à l’Allemagne.
Depuis le 14 août, les États européens ont réussi à retirer 22 000 personnes d’Afghanistan grâce à un pont aérien. L’Italie était le pays le plus vertueux avec cinq mille transferts : ce sont des personnes qui avaient travaillé avec les forces armées occidentales ou avec le gouvernement afghan et qui étaient en danger de mort. Les gouvernements européens pendant les jours agités de la prise de contrôle de Kaboul par les talibans ont fait de nombreuses promesses d’ouvrir des voies légales et de réinstallation, mais plusieurs mois plus tard, rien ne semble avoir bougé. L’Irlande a ouvert un programme pour accélérer le regroupement familial, en Italie diverses associations de l’Asylum Table ont demandé l’octroi d’un permis temporaire pour des raisons humanitaires à tous les Afghans bloqués aux frontières européennes.
Le HCR a demandé aux États de l’UE d’accorder la réinstallation de 42 000 Afghans en provenance de pays non européens au cours des cinq prochaines années, mais la Commission a répondu qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas une telle volonté de la part des gouvernements et il n’y a pas d’estimation du nombre d’Afghans que le L’Union est prête à passer par les voies légales.
« Après les ponts aériens d’août, l’Italie et les autres pays européens semblent s’être livrés aux pays plus nationalistes, qui demandent des ressources publiques pour construire des murs à leurs frontières », commente Filippo Miraglia, directeur de l’immigration de l’ARCI qui lui consacre un séminaire sur le sujet au Sabir Festival à Lecce. « Ils ont répondu une fois de plus par l’externalisation, qui prévoit de payer pour arrêter. Mais si l’Europe faisait le même effort d’accueil que le Canada, il faudrait accueillir plusieurs centaines de milliers d’Afghans et d’Afghans ». Pour Miraglia, l’Europe porte la responsabilité de ce qui s’est passé en Afghanistan au cours des vingt dernières années et le simple fait de payer pour arrêter des personnes dans des pays comme l’Iran ou le Pakistan, qui accueillent déjà des millions de réfugiés, est une réponse insuffisante.
Pendant ce temps, des plaintes et des rapports continuent d’émerger montrant des refoulements violents de la part des autorités européennes coordonnés par l’agence européenne Frontex. Des réfugiés sont violemment repoussés de Grèce, de Croatie, de Roumanie, de Bulgarie et de Hongrie. Même à la frontière entre l’Italie et la Slovénie, des centaines de demandeurs d’asile sont arrêtés par les autorités italiennes et renvoyés à la police slovène qui, avec une chaîne de refoulements, les ramène en Bosnie-Herzégovine : parmi eux, il y a beaucoup d’Afghans.
Enfin, il y a les rapatriements. Malgré un déclaration commune dans laquelle les gouvernements européens se sont engagés à faciliter et à aider les Afghans qui voulaient quitter le pays, de nombreux pays européens ont depuis reconsidéré leur engagement. L’Autriche, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Grèce ont demandé à la Commission européenne l’autorisation de rapatrier les Afghans qui se sont vu refuser l’asile. Dans un lettre adressées à la vice-présidente de la Commission Margaritis Schina et à la commissaire aux affaires intérieures Ylva Johansson, les représentants de ces gouvernements écrivent que l’arrêt des retours enverrait un mauvais signal et pourrait inciter encore plus de personnes à essayer d’atteindre l’Europe.