Luigi Richetto, le boucher des veuves de Lyon

UNE 20 minutes, nous aimons vous raconter des histoires effrayantes au coin du feu. Surtout maintenant que Halloween approche. Suivez-nous sur les traces de Luigi Richetto, l’un des tueurs en série les plus sanguinaires de Lyon, même si le terme n’existait pas à l’époque. Et pour cela nous remontons à la fin du 19ème siècle.

Lyon, 31 décembre 1899. La petite servante se promène en hâte dans les rues du quartier Saint-Just. Une odeur l’attire alors qu’il franchit les grilles du domaine Noack, au 116 rue de Francheville, odeur douloureuse qu’elle ne parvient pourtant pas à caractériser. De l’autre côté, elle voit un sac flotter à la surface d’une boutasse, un étang dans le parc. Pour elle, les odeurs nauséabondes viennent sans doute de là.

La jeune femme se précipite pour prévenir les propriétaires qui, creusant dans l’eau, découvrent un deuxième sac. Le boucher, s’appuyant sur ses compétences olfactives, est formel : l’odeur est celle du veau pourri. Sur place, les autorités, accompagnées du docteur Alexandre Lacassane, vident l’étang. La surprise est grande : dix-sept colis soigneusement emballés avec « plusieurs bouts de corde » gisent dans la boue.

L’affaire Richetto évoquée en 1899 par Le Progrès Illustré. – BM Lyon / La Justice Toldée

La tête d’une victime exposée à la morgue flottante

« Nous allons découvrir une valise, un lavabo et deux têtes enveloppées dans des draps et des pages de journaux », a déclaré Caroline Bertrand Thoulon, ancienne avocate et fondatrice de La justice a dit. Le criminologue Lacassagne reconstitue alors méticuleusement les corps et arrive à la conclusion suivante : « Ils ont été découpés en morceaux de la même manière ». Reste à savoir qui les victimes sont massacrées si minutieusement.

« Ensuite, nous exposerons la tête la mieux conservée à la morgue flottante de Lyon. C’était un bateau amarré près de l’Hôtel-Dieu qui contenait un espace d’exposition en verre. Le public était invité à s’y rendre pour identifier les victimes », poursuit Caroline Bertrand. L’annonce attire les curieux, qui défilent en masse. Les voisins finissent par découvrir l’identité de la victime. Sa fille confirme. Il s’agit de la veuve Catinot, décédée quatorze jours plus tôt.

Une découpe de corps « professionnelle »

« La police recherche un boucher, un équarrisseur car la découpe des corps a été faite de manière professionnelle », a précisé l’ancien avocat. La fille de la veuve Catinot témoigne qu’elle ne connaît qu’un seul homme qui habite près de l’endroit où sa mère a été retrouvée : Luigi Richetto. Mais ce n’est pas un boucher. Un émigrant italien, âgé de 46 ans, travaillait comme concierge chez les Pères Camilliens, un ordre religieux qui s’occupe des malades.

L’homme est lettré et intelligent, comme en témoignent ses écrits écrits plus tard en prison. Sa pensée est structurée, le vocabulaire poussé. « Nous sommes loin d’être maladroits. C’est un homme soigné, grand… Mais visiblement dépourvu d’affect ». Un homme de confiance aussi, selon son entourage. « Les deux victimes sont venues le voir pour qu’il s’occupe de leurs biens et de leurs petits trésors », a précisé Caroline Bertrand. L’un d’eux le connaissait depuis plusieurs années. Pourtant, le gardien, arrivé à Lyon une quinzaine d’années plus tôt, a déjà eu quelques démêlés avec la justice. Fils d’un voleur de retour, il a passé cinq ans derrière les barreaux pour vol dans son pays natal.

Les gendarmes décident de fouiller son box, qui se situe exactement à « 200 pas » de l’endroit où les corps ont été jetés. Et là… Tout le bouleverse. « Ils trouveront des piles de journaux, mais certains numéros manquent ; les numéros utilisés pour envelopper les parties du corps. Il y a aussi un marteau, un couteau à très longue lame qui aurait pu servir à couper les victimes, des quantités de chaux et des objets personnels appartenant aux deux veuves », énumère Caroline Bertrand. Sans oublier les traces ou projections de sang sur la porte du rez-de-chaussée. Et cet immense coffre, découvert dans le grenier, dans lequel les corps pourris auraient été entreposés avant d’être jetés dans la mare de la propriété adjacente.

Luigi Richetto nie catégoriquement. Les charges pèsent sur lui, les soupçons s’accumulent. Il est lié à trois autres meurtres tout aussi sanguinaires. Chez Madame Bernaz, retrouvée morte le 24 avril 1893, où le concierge faisait régulièrement des petits boulots. Régis Planial, marchand de meubles, décapité et démembré le 7 décembre 1894. Les différentes parties du corps seront récupérées une à une dans le Rhône au fil des mois. Donc une jeune femme. Mais Richetto « ne finira jamais par s’inquiéter de ces crimes », faute de preuves tangibles.

La foule passionnée

Pendant ce temps, « l’impact de l’affaire est énorme », la foule se passionne pour ce mystérieux tueur. Son procès, qui s’ouvrit en mai 1901, tint toute la ville en haleine. Incapable de prendre place dans la salle d’audience, la foule curieuse sur les marches du palais de justice des 24 colonnes comme Richetto est amenée à s’expliquer sur les meurtres des veuves Delorme et Catinot. Mais encore une fois, l’accusé n’abandonnera jamais. Pas même pendant Dr. lassagne. Au contraire, il ne cesse de clamer son innocence.

« On ne saura pas au final quelles étaient ses motivations, car il ne l’a jamais avoué. On peut supposer qu’il y a eu la tentation du profit. Il a fait des dépenses importantes après ces meurtres alors qu’il ne touchait pas de gros revenus, explique le fondateur de La Justice Racontée. Mais nous ne pouvons pas être sûrs à 100% qu’il s’agit du seul et unique téléphone mobile. La façon dont il s’est débarrassé des cadavres prend une dimension pathologique. Nous ne saurons jamais non plus comment il a écorché ses victimes comme un pro. « 

Malgré les 100 témoins à charge entendus lors du procès et « une enquête exemplaire », des doutes subsistent. Le jury condamne Luigi Richetto aux travaux forcés à perpétuité, ce qui lui permet d’échapper à la guillotine. « Que le suspect ait eu des circonstances atténuantes était crucial pendant le procès. Le jury a pensé qu’il avait quelque chose. On ne sait pas pour quelles raisons les délibérations ont été secrètes », poursuit Caroline Bertrand. Et de conclure : « Cette histoire, à tous points de vue, gardera sa part de mystère. C’est ce qui en fait un gros problème aujourd’hui… »

Cet article a été écrit en collaboration avec le site avec RétroActualités, le site presse de la BnF.

Albain Forestier

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