Nous sommes en 1582, à Bâle, en Suisse. Dans sa maison d’édition, Samuel Apiarius s’affaire à imprimer « deux nouveaux faits divers ». L’ampleur de la faute de frappe ne fait aucun doute : le premier fait divers rapporté est sans aucun doute celui qui impressionnera.
La « tristement célèbre et déchirante histoire de six bandits et d’un meurtrier ».
Dans sa note, l’éditeur revient sur ce « Peter Nirsch », qui aurait été jugé en Alsace l’an dernier pour « plus de 300 meurtres ». Depuis plusieurs années maintenant, les rumeurs les plus indignes circulent à propos de ce personnage. Certains accordent à ce tueur assoiffé de sang des pouvoirs surnaturels, tels que la capacité de se transformer ou de se rendre invisible.
Cannibalisme et rencontre avec le diable
D’autres histoires évoquent un cannibale, qui ciblerait plus particulièrement les femmes enceintes. Adepte de la magie noire, il aurait même reçu personnellement la bénédiction du diable lors d’une réunion à Phalsbourg en Moselle.
Une certitude : il valait mieux ne pas croiser Pierre Niers (l’orthographe française de son nom) et sa bande dans la caverne du XVIe siècle. Avant de se forger cette réputation de magicien noir, le bandit allemand s’est bâti celle d’un criminel aguerri. Avec sa bande, il parcourait les routes du Saint Empire romain germanique, toujours en petits groupes, pour piller et tuer. Certains complices seront également arrêtés à Strasbourg.
Une sombre réputation
Ce n’est qu’en 1577 que l’histoire prend une tournure bien plus sombre. Arrêté puis torturé à Gernsbach en Allemagne, à quelques kilomètres de la frontière alsacienne, Peter Niers avoue 75 crimes, comme le souligne l’historienne Joy Wiltenburg dans son livre Crime et culture dans la jeune Allemagne moderne. Cependant, il réussira à s’échapper avant de disparaître et de déchaîner les ballades les plus sombres sur ses méfaits.
Quelques mois plus tôt, un de ses acolytes avait avoué avoir aidé Niers à assassiner une jeune femme de 20 ans. Le point de départ de sa réputation douteuse ? En tout cas, après cet épisode, les rumeurs à ce sujet vont se multiplier. Maître du déguisement, roi du camouflage, Peter Niers aurait en sa possession une multitude de matériaux magiques. L’ingrédient secret ? L’horreur ultime : des fœtus arrachés à des femmes enceintes, dont il a mangé le cœur lors de ses incantations de magie noire.
544 homicides, dont 24 fœtus
Son pacte avec le diable prend fin brutalement. En 1581, après quinze ans de colère, il est devenu confus dans la ville bavaroise de Neumarkt in der Oberpfalz. Après avoir pris un bain aux bains publics, il laisse son sac prétendument magique à l’auberge où il s’est installé. Reconnu par un témoin, il confirme son identité et ses nombreux meurtres après avoir été confronté au contenu de son sac : mains coupées et plusieurs cœurs de fœtus.
En cette « période de torture permanente », Peter Niers sera torturé dans des proportions extrêmement brutales, selon Peter Andersen, professeur de littérature et d’histoire allemande ancienne à l’université de Strasbourg. Il sera exécuté le 16 septembre 1581, frappé 42 fois par le supplice de la roue avant d’être coupé en quatre. Sous la torture, il a avoué avoir commis 544 meurtres, dont celui de 24 fœtus prélevés sur des femmes enceintes.
Ces chiffres sont-ils plausibles cinq siècles plus tard ? Peter Andersen nuance : « Les témoins n’étaient pas aussi objectifs qu’aujourd’hui et il n’y avait pas d’avocat. Mais il y a eu des ballades sur lui qui ont contribué à sa réputation. C’est avant tout un personnage historique et il a vraiment existé. «
Pour tous ses crimes, Peter Niers ne serait pas le recordman de la victime. Un autre tueur en série allemand vivant à la même époque le devancerait dans ce sombre classement. Christman Genipperteinga, également exécuté en 1581, aurait commis pas moins de 964 meurtres.