Les Landsknechts ont-ils été victimes du siège ici ?
La quatrième personne n’est certainement pas venue de Bretagne et n’y est probablement venue que dans les dernières années de sa vie. Les candidats pour leur patrie seraient des régions du nord et du sud de la France et de l’Espagne en fonction des niveaux de soufre. L’utilisation des trois isotopes donne une zone au sud-est de Paris.
Une analyse génétique permet de comprendre pourquoi cet homme s’est retrouvé à Rennes : le matériel génétique de ses cellules montre une particularité souvent rencontrée en Bretagne à l’époque, notamment chez Louise de Quengo – cet homme y avait donc probablement des liens familiaux. Le fait qu’il appartenait également à la noblesse est suggéré par l’analyse des isotopes de l’azote, qui parle d’un régime riche en viande. Les deux dernières découvertes s’appliquent également à deux autres cadavres dans cette tombe, tandis que le quatrième mort est probablement issu d’un milieu modeste. Mais tous les quatre ont peut-être appartenu à l’armée bretonne.
Les analyses isotopiques des os et – si disponibles – des dents de la grande tombe ont donné une image très incohérente. Il est fort probable qu’aucun des 28 morts n’ait passé son enfance près de Rennes, pas même ces dernières années. Les niveaux de soufre en particulier étaient trop bas pour cela. Régions d’origine possibles, nourriture préférée, statut social, les analyses donnent des résultats très différents pour tous ces aspects. Certains pourraient provenir de l’ouest de la France non breton, des Alpes françaises, des Flandres, de l’Angleterre ou même de la Suisse. Théoriquement, ils auraient pu être des mercenaires du roi d’Espagne ou du Habsbourg Maximilien. Cependant, selon l’équipe, les mercenaires auraient combattu plus indépendamment des troupes régulières, ils n’auraient donc probablement pas été enterrés avec leurs morts. La conclusion est que seuls des soldats du roi Charles VIII reposent dans la fosse commune. Le fait qu’il y ait beaucoup plus de sépultures que dans la fosse commune bretonne tient peut-être à ces origines : ceux qui sont tombés avant Rennes mais qui viennent d’une région proche ont plus de chance d’être transportés vers leur patrie.
On ne sait pas combien de morts le siège a coûté au total. Ces 32 personnes avaient l’habitude de tuer et avaient certainement pris des vies elles-mêmes. Le sacrifice que les quatre Bretons étaient prêts à faire s’avéra vain. La situation d’Anne était désespérée depuis le début. Comme son ennemi, elle avait une armée professionnelle bien entraînée et des mercenaires. Mais la guerre contre la France trois ans plus tôt avait coûté des milliers de soldats. De plus, un de leurs généraux est passé à l’ennemi et ils ont perdu un allié important. Elle entame donc bientôt les négociations qui se déroulent dans le couvent des Jacobins. La duchesse a révoqué son mariage avec Maximilien Ier et s’est fiancée à Charles VIII à la cathédrale de Rennes en novembre.
Elle était alors reine de France. Lorsque son mari meurt des suites d’un accident en 1498, elle épouse son successeur conformément aux accords passés, non sans renégocier à nouveau et gagner ainsi la liberté pour la Bretagne. Une phase de reprise économique reprit. Ce n’est qu’une bonne trentaine d’années plus tard que le titre de duc était lié à la couronne de France et que l’autonomie de la Bretagne appartenait enfin à l’histoire.