Cela aurait dû être une formalité mercredi à Bruxelles : les ambassadeurs des États membres de l'UE y voteraient en faveur de la directive dite sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises (CSDDD), point final d'un processus qui a duré quatre ans pour empêcher les grandes entreprises de ignorent toujours les abus chez leurs fournisseurs.
A propos de l'auteur
Michael Persson est journaliste économique et commentateur pour de Volkskrant.
En décembre, les États membres étaient déjà parvenus à un accord provisoire à ce sujet avec la Commission européenne et le Parlement européen, qui ont voté en faveur de la directive révolutionnaire l'année dernière.
Mais mercredi, l'Allemagne, la France et l'Italie ont annoncé contre toute attente qu'elles s'abstiendraient, ce qui signifie que la proposition n'obtiendra plus une majorité qualifiée. Ce n’est que si le texte est amendé d’urgence, approuvé par le Parlement et que les États membres réticents adhèrent ensuite que la proposition pourra encore être sauvée.
Opportunité manquée
La directive fait l'objet de débats depuis des années. Parce que la responsabilité de la chaîne a des conséquences majeures pour les entreprises, l'association professionnelle européenne s'y est fermement opposée. Néanmoins, l'eurodéputée néerlandaise Lara Wolters (GroenLinks-PvdA) a réussi à faire adopter cette loi « anti-détournement du regard » au Parlement début juin.
La loi obligerait les entreprises de plus de cinq cents salariés et d'un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros à se poser des questions encore volontaires. À quel point le travail des couturières dans cette usine textile en Inde où sont fabriqués nos vêtements est-il dur ? Quels sont les dommages environnementaux causés par l’extraction des métaux nécessaires à nos éoliennes ? Les femmes qui cueillent les feuilles de notre thé au Kenya sont-elles suffisamment protégées de leurs superviseurs ?
Dans un communiqué, Wolters qualifie le résultat d' »embarrassant », car un accord a déjà été trouvé en décembre. Elle affirme que les États membres ont raté une « opportunité historique ». Le mandat du parlement actuel expire en avril, après quoi on s’attend à ce qu’un vent beaucoup plus à droite souffle.
Des objections soudaines
Ce tournant inattendu a été catalysé par le parti libéral allemand FDP, partenaire mineur du gouvernement de coalition. Au début du mois, le ministre des Finances Christian Lindner a annoncé, après consultation des milieux d'affaires allemands, que l'Allemagne s'abstiendrait lors du vote. « La responsabilité prévue par la directive est plus grande que la loi allemande, qui ne prévoit pas de responsabilité, et imposerait une charge importante aux entreprises concernées », ont écrit Lindner et son collègue Marco Buschmann dans une lettre aux associations d'employeurs.
La question était alors de savoir si d’autres pays reculeraient également. L'Italie et la France ont également émis des objections mercredi. La France a soudainement voulu relever le seuil de la taille minimale des entreprises à cinq mille salariés, ce qui réduirait le nombre d'entreprises auxquelles la loi s'appliquerait de plus de seize mille à un peu plus de deux mille.
Wolters a parlé mercredi d'un « opportunisme irresponsable » de Lindner. Elle a qualifié les objections de la France d' »insulte flagrante au processus démocratique » et de preuve qu'il suffit aux entreprises d'appeler le président Macron pour le faire plier.
Les Pays-Bas restent en tête
De nombreuses organisations sociales ont exprimé leur déception. « Le blocus est une nouvelle particulièrement mauvaise pour tous les travailleurs et communautés qui sont confrontés à des violations des droits de l'homme et à la pollution de l'environnement dans les chaînes de production mondiales », a déclaré MVO Platform, un réseau d'organisations œuvrant dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises.
Une loi d'initiative néerlandaise visant à obliger les entreprises à être socialement responsables a été abandonnée en septembre. Le lobby économique VNO-NCW et le VVD ont préféré une loi européenne. Cela garantirait des conditions de concurrence équitables et éviterait que les entreprises néerlandaises soient mises à la traîne par des règles plus strictes.
« VNO-NCW reste favorable à ce que cela soit organisé au niveau européen », déclare désormais un porte-parole. « Nous espérons donc que les préoccupations des États membres de l'UE pourront être prises en compte le plus rapidement possible afin que le processus législatif européen ne soit pas retardé trop longtemps. »
Le gouvernement néerlandais reste également favorable à la directive européenne. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce devrait fournir une réponse plus tard mercredi.
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