KAZAKHSTAN / Le double jeu des anciens espions face aux adversaires de Nazarbaïev

Selon Reuter, hier, de nouvelles manifestations ont été bloquées par les forces de sécurité du Kazakhstan, qui se seraient concentrées principalement sur la place la plus importante de la nation, c’est-à-dire sur la place de la ville d’Almaty. Cependant, le fait significatif ne réside pas tant dans la capacité des forces de sécurité à réprimer ces prétendues forces d’opposition, que dans le fait qu’elles étaient organisées par l’un des principaux partis d’opposition, le Choix démocratique du Kazakhstan créé par Mukjtar Ablyazov.

Il ne s’agit bien sûr pas d’un défenseur des droits de l’homme, mais d’un oligarque qui fait l’objet d’innombrables enquêtes judiciaires au niveau international telles que indiqué avec éloquence par Le diplomate, mais surtout lié aux services de sécurité par l’intermédiaire de la société Arcanum Global, une agence de renseignement privée fondée par Ron Wahid, résidant à Londres et ayant des liens personnels et professionnels avec certains anciens responsables de la CIA, du Mossad et de la France, qui au lieu de l’aider à se défendre contre son ennemi juré, l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, aurait fait le double jeu, comme indiqué par Financial Times, travaillant précisément pour le dictateur kazakh.
Concernant la collaboration avec les services de sécurité français, Wahid a décidé en 2019 de nommer un nouveau président au sein de sa branche française : Bernard Squarcini, l’ancien chef de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), prédécesseur de l’actuelle DGSI.

Fin 2013, Squarcini rejoint la société américaine d’intelligence économique Arcanum Global Intelligence. Arcanum est spécialisé dans les affaires de la Russie et de ses anciens satellites et emploie plusieurs vétérans du renseignement israélien, dont Meir Dagan, ancien chef du Mossad. Mais ce qui est intéressant, c’est le fait que le président et chef de la direction d’Arcanum, Ron Wahid, entretient une relation longue et fructueuse avec le Kazakhstan et, en particulier, avec sa famille régnante.

La maison mère d’Arcanum, RJI Capital, a souvent représenté des sociétés kazakhes proches du président et de ses genres. RJI a en effet vendu les champs pétrolifères kazakhs et compte parmi ses clients fidèles Eurasian Resources Group (ex-Enrc), détenu à 40% par le Kazakhstan. Le reste de son capital est détenu par des investisseurs proches du régime ainsi que par International Mineral Resources (IMR), un conglomérat détenu par les hommes d’affaires kazakhs Alexander Machkevitch, Patokh Chodiev et Alijan Ibragimov.

Renouant avec la collaboration avec les services français en juillet 2013, avant de le recruter officiellement, Arcanum associe Squarcini à son principal contrat avec l’Etat du Kazakhstan. Sans son propre service de renseignement extérieur, le Kazakhstan a sous-traité les opérations de collecte de renseignements à l’extérieur de ses frontières à des sociétés privées, pour la plupart britanniques.

La mission d’Arcanum impliquait deux hommes, tous deux critiques très sévères du président Nazarbaïev. Le premier, Viktor Khrapunov, est un ancien maire de la plus grande ville du Kazakhstan, Almaty, réfugié à Genève en 2007. Le second, Mukjtar Ablyazov, dirigeait le principal établissement financier du pays, la banque BTA, avant de s’enfuir. en Europe. Le Kazakhstan les accuse de détournement massif de fonds publics et a engagé une série de poursuites judiciaires à leur encontre. Grâce à une longue enquête menée par Diligence, un bureau d’enquête créé par des vétérans du SAS britannique, il a été possible de retrouver Ablyazov sur la Côte d’Azur et de le faire arrêter par la police française.

Quand Arcanum a recruté Squarcini, l’ancien banquier venait d’être arrêté par la police française et placé en garde à vue. Le Kazakhstan et ses conseillers ont voulu faire tout ce qui était en leur pouvoir pour que l’action en justice contre lui aboutisse.

Pour mener à bien sa mission, Squarcini avait promis aux dirigeants kazakhs de faire appel à ses contacts. Il a notamment promis d’organiser des rencontres avec deux interlocuteurs réguliers : les anciens parlementaires socialistes français Julien Dray et le chargé des affaires environnementales de Veolia Laurent Obadia. Il s’est surtout appuyé sur les services de deux vieux amis, Ange Mancini, ancien coordinateur national du renseignement sous le président Nicolas Sarkozy, qui a travaillé pour le groupe Bolloré, et Charles Pellegrini, ancien chef de l’Office central français de lutte contre la criminalité. organisé. Elle a également mis Arcanum en contact avec MPP, la société de sécurité personnelle dirigée par le neveu de Pellegrini, Jean-François Rosso, pour aider à organiser les visites de Ron Wahid en France.

Squarcini a également fourni d’autres petits services au gouvernement kazakh. En juin 2014, il a par exemple organisé la visite en France d’une délégation kazakhe, composée entre autres du ministre de la Défense, Imangali Tasmagambetov, et du vice-ministre de la Justice, Marat Beketayev.

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Campion Roussel

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