« L’Église doit faire face à la culture de l’autorité masculine »

Le rapport de la commission indépendante d’enquête sur les abus sexuels dans l’Église catholique et les organisations apparentées fait l’effet d’une bombe en France. « Nous sommes dépassés par l’ampleur du phénomène », a déclaré Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence épiscopale CEF lorsqu’il a reçu le rapport.

Après Moulins-Beaufort, d’autres responsables ont évoqué un ouragan ou un tremblement de terre. Depuis 1950, 216 000 mineurs ont dû être maltraités par le clergé catholique romain. Le nombre d’auteurs est estimé entre 2900 et 3200, soit environ 3 pour cent du total. Les chiffres sont basés sur des recherches d’archives, des conversations avec des victimes, mais aussi sur une enquête auprès d’un groupe représentatif de 28 000 Français.

Le comité conclut que cinq millions de Français ont déjà été maltraités et que dans 216 000 cas – 4 % du total – les autorités religieuses en sont les auteurs.

Un problème systémique

Ce fait rend la recherche française unique au monde, selon la sociologue des religions Christine Pedotti. « Le risque d’abus dans l’église est trois fois plus élevé que dans les associations sportives et musicales. Auparavant, l’église se cachait derrière la phrase que le problème est partout. Maintenant, personne ne peut nier que l’église a un problème systémique.

Les évêques installèrent eux-mêmes la commission, mais durent y être contraints. Pedotti lui-même, en tant que rédacteur en chef du magazine catholique progressiste témoignage chrétien fait monter la pression avec une pétition appelant à une enquête parlementaire, signée par 30 000 personnes.

A cause de cette initiative, et de l’affaire autour du pédo-prêtre Bernard Preynat, qui pourrait infliger des dizaines de victimes tout en étant assuré de la protection d’en haut, le CEF a cédé. Cette expérience ne rend pas Pedotti optimiste sur la capacité de l’Église à aller de l’avant.

Culture d’autorité masculine

La première promesse de mettre fin à la « politique du silence » a été faite dès 2000. C’était après que Mgr Pierre Pican a été condamné à trois mois de prison avec sursis pour avoir omis de dénoncer un prêtre pédophile.

« Après cela, ils ont dit: trente ou quarante cas ont maintenant fait surface, mais c’est à peu près tout », explique Pedotti. « Alors que tout le monde savait qu’il y avait plusieurs centaines de victimes à l’étranger. » En France, l’église pensait pouvoir échapper à la vérité plus longtemps que dans de nombreux autres pays, soupçonne Pedotti. « En Allemagne, où une enquête a été publiée en 2018, de nombreux croyants ont menacé de retenir leur contribution financière. Cela a aidé là-bas.

En fin de compte, selon Pedotti, le cœur du problème est une culture d’autorité masculine dans laquelle il semble que les prêtres reçoivent leur autorité de Dieu. « Cette idée met le sexe masculin sur un piédestal, car Jésus était aussi un homme. C’est le contexte d’intouchabilité où se déroule la maltraitance et pourquoi les parents ont parfois du mal à croire leur enfant. »

Le comité recommande, entre autres, d’être attentif à cette « sacralisation » des prêtres. Il devrait également y avoir plus de collégialité dans l’organisation. « Maintenant, un évêque peut agir seul comme juge. Mais il faut voir ce que tout cela apporte concrètement, il s’agit d’actes. »

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Perrine Lane

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